1943
1943
« […] c’est la guerre, les horreurs de la guerre (voyez Goya, etc…) Ici
les cadavres, ici une fatalité dont nous avons bien le sentiment, une espèce de
fatalité d’espèce (de l’espèce), et la misérable condition humaine. Voilà qui
est tout à fait digne du pinceau de l’artiste à une époque donnée ».
in : PONGE Francis, Note sur les Otages Peintures de Fautrier par Francis Ponge, Paris, Pierre Seghers, 1946, p. 19.
« Il y a bien aussi la couleur, mais il y en a si peu. Le fond et le plâtre se
la partagent, inéquitablement, barbarement. (Il va sans dire que j’appelle
plâtre une épaisseur de plâtre blanchâtre qui pourrait être de la crème Bébia,
du talc à l’eau, etc.) L’objet représenté, c’est-à-dire le sujet, s’inscrit tout
bonnement sur le fond. Ça vous regarde comme un oeil. Et pour les otages, le
plâtre, c’est le sang. Alors, pas besoin de rouge. Et, pour narguer ce rouge qui
ne veut pas venir parce qu’il se sait remplacé par l’épaisseur coagulée affreux
relief de boue blanche, les couleurs des otages se mettent à être exquises. Les
pastels broyés que fabrique lui-même Fautrier, cette couleur d’avant la
couleur, la voilà qui enveloppe comme un linceul quelque membre de l’otage,
et le public ne se trompe pas en disant c’est joli, c’est exquis, c’est
ravissant ».
in : DROGUET Robert, Fautrier 43, suivi des lettres de Jean Fautrier à Robert Droguet, Paris, Éditions de
l’Échoppe, 1995, pp. 17-18.