REPÈRES CHRONOLOGIQUES

« Et la première tentative pour décharner la douleur

contemporaine jusqu’à trouver ses idéogrammes pathétiques, - jusqu’à la

faire pénétrer de force, dès aujourd’hui, dans le monde de l’éternel ».


in : André MALRAUX, LES OTAGES PEINTURES ET SCULPTURES DE FAUTRIER, catalogue

d’exposition, Paris, Galerie René Drouin, 26 octobre au 17 novembre 1945.

AVANT-PROPOS


Cette chronologie fût écrite par Etienne David (co-commissaire adjoint) et publiée dans le catalogue de la rétrospective  Jean Fautrier, Tokyo, Toyota et Osaka, 24 mai au 7 décembre 2014.

Cette rétrospective itinérante a été organisée par le Tokyo Shimbun.


- Tokyo Station Gallery, Tokyo (24 mai au 13 juillet 2014) -

- Musée municipal d’art de la ville de Toyota, Toyota (20 juillet au 15 septembre 2014) -

- National Museum of Art d’Osaka, Osaka (27 septembre au 7 décembre 2014) -

1898                     

Naissance de Jean Fautrier le 16 mai à Paris. Enfant naturel, il porte le nom de sa mère. Il est élevé à Paris par sa grand-mère irlandaise.

 

1907                     

Mort de son père puis de sa grand-mère quelques mois plus tard. Sa mère, Marguerite Fautrier, quitte la France et part s’installer en Angleterre laissant son fils dans un collège anglais à Paris.

 

1908                     

Jean Fautrier rejoint sa mère à Londres.

 

1912                    

Il entre à la Royal Academy de Londres qu’il quitte en 1915 pour la Slade School qui lui parait moins académique. Il fréquente les musées et no- tamment la Tate Gallery où il admire tout particulièrement Joseph Mallord William Turner. Travaillant seul, il peint et dessine des têtes, des nus et des natures mortes.

 

1917                     

Mobilisé, il rentre en France. Le 4 juillet, il intègre les corps auxiliaires. Il devient interprète puis ambulancier avant d’être gazé sur le front.

 

1920-21                

Il fait plusieurs séjours à l’hôpital et est réformé définitivement le 7 juillet 1921. Il part pour plusieurs séjours à la montagne, au Tyrol, pour soi- gner ses poumons. Il peint ses premières vues de montagne, disparues aujourd’hui.

 

1922                     

Il arrive à Paris et s’installe rue Nicolet à Montmartre au début de l’an- née. Séjour en Corse. Il participe au Salon d’Automne pour la première fois et ensuite jusqu’en 1931. Andrée Pierson devient son modèle et sa compagne.

 

1923                     

Fautrier habite, jusqu’en 1926, au 46, rue Hippolyte-Maindron à Montparnasse. Il expose à la galerie Fabre où il rencontre Jeanne Castel, proche du marchand d’art Paul Guillaume. Celle-ci restera ensuite le plus fidèle soutien de son travail. La production de Fautrier de ces années est mal connue. Il dessine des études de femmes à la sanguine et peint des portraits et natures mortes. Il réalise des eaux-fortes d’après Charles Baudelaire mais aussi des gravures sur bois inspirées d’Edgar Allan Poe.

 

1924                     

Première exposition personnelle à la galerie Visconti, en mai-juin, grâce au Dr Chevallier, premier collectionneur de Fautrier. 31 œuvres dont 23 peintures sont exposées. Figurent parmi les œuvres exposées des pay- sages, une série de nus à la sanguine et ses premières lithographies. Il expose aussi au Salon des Tuileries. Il y participera de nouveau en 1926, 1927, 1930, 1931 et 1942.

 

1925                     

Fautrier est présenté au marchand Paul Guillaume par Jeanne Castel. En janvier, puis en mars, il participe à une exposition de groupe à la Galerie Fabre avec Antral, Dignimont, Hermann-Paul, Réal, Savin et Vertès. Il sé- journe dans le Tarn et dans la région de Millau. Du 4 au 23 décembre, il expose personnellement à la galerie Fabre.


 

1926                    

Fautrier fait la connaissance du marchant et poète Léopold Zborowski qui lui achètera plusieurs toiles et l’expose aux cotés de Kisling, Modigliani et Soutine. Jeanne Castel fait don au Musée de Grenoble du Bouquet de violettes, première œuvre de Fautrier dans un musée français. Fautrier est en pleine période dite « noire ». Son œuvre est composée de pay- sages et de natures mortes et de nus.

 

1927                     

Jean Fautrier s’installe au 20, rue Delambre à Paris. Il séjourne régulière- ment dans les Alpes. Il passe avec Paul Guillaume un contrat d’exclusivité.

 

1928                     

Il passe l’été à l’ile de Port-Cros près de Toulon où il peint une série de pay- sages inspirée par ce lieu. Il visite aussi l’Espagne. Chez Jeanne Castel, il rencontre André Malraux qui lui propose de réaliser des illustrations pour les éditions Gallimard. Le premier choix se porte sur Les Illuminations d’Arthur Rimbaud mais celui-ci doit être abandonné à cause d’une ques- tion de droits. Aussi, il choisit L’Enfer de Dante. Fautrier commence dès lors à réaliser les trente-quatre études préparatoires à la gouache en vue des lithographies. Sa troisième exposition personnelle, organisée par Paul Guillaume, se déroule du 3 au 15 novembre chez Georges Bernheim. Fautrier y présente les œuvres de sa « période noire ».

 

1929                     

Fautrier passe plusieurs semaines à Chamonix. Il participe à plusieurs expositions de groupe dans les galeries à Paris notamment à la galerie Paul Guillaume et à la galerie Cardo aux côtés de Derain, Friesz, Goerg, Picasso, Rouault et Soutine. Il expose pour la première fois à Bruxelles à la Galerie du Centaure. En décembre, ses dessins sont montrés à la galerie des Quatre Chemins à Paris.

 

1930-32                

Signature le 1ier mai du contrat pour L’Enfer avec les Editions Gallimard. La publication des lithographies sera finalement abandonnée en 1932. Fautrier en reste très meurtri et il entre dans un période où il peint très peu et suspend sa production sculptée commencée entre 1927 et 1929. Elle reprendra en 1935.

 

1933                     

Des pastels et des lithographies pour L’Enfer sont exposés dans la galerie de la NRF, appartenant à Gallimard, du 6 au 28 février.

 

1934-39                

Après la rupture de son contrat avec Paul Guillaume, Fautrier quitte Paris et devient moniteur de ski et gérant d’un hôtel-dancing à Tignes dans les Alpes. Il ne peint presque plus. En 1936, il ouvre une boite de nuit appe- lée « La Grande Ourse » à Val d’Isère. Isolé, il élabore et cherche à mettre au point une nouvelle technique ayant comme base un épais enduit de blanc d’Espagne apposé sur papier.

 

1939-40                

La guerre éclate et Jean Fautrier quitte les Alpes pour Marseille, Aix, puis Bordeaux, avant de retourner à Paris. En juin 1940, il est à Paris chez Jeanne Castel, rue du Cirque ou à l’hôtel. Il prend un atelier au 216, boule- vard Raspail à Paris où il y rencontrera ses amis écrivains : Jean Paulhan, Robert Ganzo, Paul Eluard, René Char.

 

1942                     

Exposition d’œuvres récentes à la galerie Poyet. Il commence les illus- trations de plusieurs ouvrages pour l’éditeur Georges Blaizot comme Orénoque et Lespugue de Robert Ganzo ainsi que Madame Edwarda de Georges Bataille.

 

1943                    

Première rétrospective de son œuvre à la galerie René Drouin, 17, place Vendôme. Cette rétrospective compte 81 œuvres dont des sculptures, des gravures et des dessins. Jean Paulhan préface le catalogue. C’est le moment d’un important bilan pour Fautrier. Il rencontre Francis Ponge avec qui il entretiendra une profonde amitié. En janvier 1943, il est arrêté par la police allemande durant quelques jours. Fautrier part ensuite de nouveau pour les Alpes avant d’aller s’installer clandestinement fin mars ou début avril, grâce à Jean Paulhan, dans la clinique du Dr Le Savoureux au lieu dit « La Vallée aux Loups » à Châtenay-Malabry près de Paris, lieu même où les Allemands viennent y fusiller des prisonniers-résistants amenés de la prison de Fresnes.

 

1943-44                

Caché dans l’atelier de la Tour Velléda à la Vallée aux Loups, Jean Fautrier poursuit la réalisation de ce qui deviendra Les Otages. Jean Fautrier rencontre Jeanine Aeply, sa future compagne, à la clinique de Châtenay-Malabry.

 

1945                     

Jean Fautrier s’installe définitivement, au mois de juillet, à Chatenay- Malabry dans une demeure à proximité de la clinique du Dr Le Savoureux. Du 26 octobre au 17 novembre, l’exposition Les Otages Peintures et Sculptures de Fautrier ouvre ses portes à la galerie René Drouin. André Malraux en écrit la préface. L’exposition déconcerte la majorité des cri- tiques. Publication de Lespugue et d’Orénoque de Robert Ganzo illustrés par Jean Fautrier ainsi que Madame Edwarda de Georges Bataille.

 

1946                     

Francis Ponge publie chez l’éditeur Seghers sa Note sur les Otages, pein- tures de Fautrier. Parution de Fautrier l’enragé de Jean Paulhan dans la revue Variété.

 

1947                     

Publication chez l’éditeur Blaizot de L’Alleluiah de Georges Bataille illus- tré par Fautrier de 18 lithographies et de La Femme de ma vie d’André Frénaud. Les gravures composant ces deux ouvrages sont tirées sur la presse de l’artiste à Châtenay-Malabry. Fautrier travaille aussi à l’illustra- tion du texte intitulé La Nourriture du bourreau d’André Frénaud, mais ce projet ne sera jamais publié. Jean Fautrier commence à peindre sa série Les Objets qui sera exposée en 1955.

 

1949                     

Le texte de Jean Paulhan Fautrier l’enragé est publié chez Blaizot et sera réédité en 1962 chez Gallimard. André Malraux charge Fautrier de la réa- lisation de reproductions pour deux volumes à paraitre sur Léonard de Vinci et Vermeer de Delft. Pour vérifier la pertinence des illustrations, Fautrier visite plusieurs musées en Hollande, en Belgique et en Italie.

 

1950                    

Mise au point, avec sa compagne Jeanine Aeply, des « originaux mul- tiples ». Technique mêlant reproduction chalcographique et peinture, les originaux multiples sont présentés à la galerie Billiet-Caputo par Jean Paulhan, puis à la galerie de la NRF en 1953 et à la galerie Hugo à New York en 1956. Face à un échec commercial, Fautrier en abandonne la réalisation.

 

1952                     

Publication de l’ouvrage de Michel Tapié de Celeyran, Un art autre où il s’agit de nouveaux dévidages du réel. L’auteur y définit l’art « informel » et donne une grande place de précurseurs à Fautrier, Dubuffet et Wols. Premières expositions de Jean Fautrier à New York, galerie Hugo et ga- lerie Iolas.

 

1954                     

Arrêt de la réalisation des originaux multiples.

 

1955                     

Février : exposition des Les  Objets  de  Jean  Fautrier  à la galerie Rive Droite. Le catalogue est préfacé par Jean Paulhan. Aucune œuvre n’est vendue. André Berne-Joffroy publie une étude sur cette nouvelle série d’œuvres dans la Nouvelle Revue Française de mai. Fautrier rencontre Sami Tarica qui se dévouera pour le succès et la diffusion de son œuvre.

 

1956                     

En février, la galerie Rive Droite présente les Nus de Fautrier. Francis Ponge écrit la préface du catalogue Paroles à propos de Nus de Fautrier. Nouvelle exposition à New York à la galerie Iolas en février, préface d’André Malraux. En novembre, la Hongrie est envahie par l’armée so- viétique. En réaction à cet évènement, Fautrier réalise une nouvelle série d’œuvres : Les Partisans de Budapest.

 

1957                     

En janvier, Fautrier expose Les Partisans de Budapest à la galerie Rive Droite et quelques mois plus tard, en novembre, dans la même galerie Fautrier 30 années de figuration informelle avec une préface de Pierre Restany. Au même moment, la galerie Schoeller présente des gouaches, dessins et lithographies réalisées entre 1928 et 1958. Exposition à la ga- lerie Sidney Janis à New York en février.

 

1958                     

Plusieurs expositions en Italie (Milan, Galerie Apollinaire), en Suisse (Fribourg), en Grande-Bretagne (Londres, ICA Gallery) et en Allemagne, notamment à galerie 22 à Düsseldorf en février.

 

1959                     

Fautrier visite le Japon avec Jean Paulhan, Edith Boissonnas et Giuseppe Ungaretti. Exposition personnelle à la galerie Minami de Tokyo. Expositions personnelles en Italie (Rome et Bologne), en Allemagne (galerie 22, Düsseldorf) et à Londres (Hanover Gallery).

 

1960                     

Publication du livre de Palma Bucarelli Fautrier Pittura e matiera aux édi- tions Il Saggiatore, à Milan. L’ouvrage est réalisé en collaboration avec Fautrier. Il est l’invité d’honneur de la XXXième Biennale de Venise, une importante rétrospective de son œuvre est présentée au pavillon cen- tral de la Biennale. Fautrier partage le Grand Prix International avec Hans Hartung. Expositions personnelles à Madrid, Turin et Bergame.

 

1961                     

Fautrier reçoit le Grand Prix international de la VIIième Biennale de Tokyo. Il expose à Düsseldorf, à Madrid et à Barcelone.

 

1962                     

Exposition à Milan à la galerie Apollinaire, préface de Giuseppe Ungaretti. Exposition à Lausanne en mars-avril à la galerie Bonnier.

 

1963                     

Publication du dernier livre illustré de Jean Fautrier : L’Asparagus de Francis Ponge aux éditions Mermod à Lausanne. Tournage du film de Philippe Baraduc Fautrier l’enragé comportant un dialogue entre Jean Paulhan et l’artiste. Expositions personnelles à Barcelone, Rome, Oslo, Madrid et Stockholm.

 

1964                     

Deux importantes donations de ses œuvres sont faites par Fautrier. L’une au Musée de l’Ile de France à Sceaux et l’autre au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris qui présentera au mois d’avril et mai une importante rétrospective de son œuvre organisée par André Berne-Joffroy. C’est la première dans un musée français. Fautrier ne pourra la voir car il est at- teint d’un cancer. L’artiste s’éteint le 21 juillet à Chatenay-Malabry et est inhumé dans le cimetière de cette commune.